Croyances populaires et tabous

Une enquête sur les perceptions de la population des maladies mentales effectuée en 1997 par le Collège royal des psychiatres d'Angleterre concluait que les personnes ayant une maladie mentale étaient perçues comme dangereuses et imprévisibles, de contact difficile, responsable de leur problème, ayant peu de chance de s'en sortir et répondant pauvrement au traitement. (Hayward, P. and Bright, J.A. (1997) "Stigma and mental illness: a review and critique." Journal of Mental Health, vol. 6, p. 345 à 354 cité dans Conseil médical du Québec. (2001) Les maladies mentales : un éclairage contemporain.)

Selon une autre étude réalisée en 2001, trois croyances populaires dressent une barrière au diagnostic et au traitement : (Roper Starch Worldwide Inc. (2001) cité dans Conseil médical du Québec. (2001) Les maladies mentales : un éclairage contemporain)

Croyances face au diagnostic

  • Les symptômes ne sont pas associés à un trouble mental : 93 % des personnes chez qui le diagnostic n'a pas été posé n'associent pas leurs symptômes à un trouble mental même si près de la moitié admettent que leurs symptômes leur causent de la détresse et restreignent leur fonctionnement social.
  • Les symptômes peuvent s'auto-traiter : près de la moitié des personnes chez qui le diagnostic a été posé ne consulteront pas un professionnel de la santé parce qu'elles pensent être capables de s'en sortir seules.
  • Le diagnostic en soi est stigmatisant : près de la moitié des personnes ayant reçu un diagnostic sont embarrassées par leur maladie alors que seulement 17 % de celles qui n'ont pas reçu un diagnostic officiel, mais qui ont des symptômes associés aux maladies mentales, éprouvent ce sentiment. Deux fois plus de personnes ayant reçu un diagnostic de maladie mentale craignent de parler de leur maladie à leurs amis.

Croyance face au traitement de la maladie

  • Les traitements non spécifiques tels l'augmentation de l'activité physique ou sociale, la relaxation, la gestion du stress, la lecture de récits de personnes ayant vécu le même problème sont très valorisés, alors que les traitements psychiatriques comme la médication ou l'hospitalisation sont considérés nuisibles. Dans cette optique, les vitamines et diètes spéciales l'emportent sur les antidépresseurs et les antipsychotiques. (National Mental Health Association Survey cité dans Conseil médical du Québec. (2001) Les maladies mentales : un éclairage contemporain)
  • Certains chercheurs ont voulu comprendre l'impact du contexte socio-culturel, en particulier l'influence de l'opinion publique sur le choix du traitement, sur l'acceptation de divers traitements psychiatriques et la fidélité au traitement par un individu. Les résultats suggèrent que la psychothérapie est tenue en haute estime par la population, tandis que la psychopharmacologie est rejetée par la grande majorité des répondants. (Angermayer et Matschinger (1996) cité dans Conseil médical du Québec. (2001) Les maladies mentales : un éclairage contemporain)
  • Pourtant, une étude récente confirme que la combinaison de la médication et de la thérapie amène un taux de réussite de 85 % chez les gens qui souffrent de maladie mentale. (Keller, Martin. (2001) « January Report. » in Journal of the American Medical Association (JAMA).

En somme, il est important de retenir que les croyances du public concernant à la fois les causes et les traitements des maladies mentales diffèrent beaucoup de celles des professionnels de la santé, surtout les psychiatres. Ces diverses croyances limitent l'utilisation optimale des services dans le réseau de la santé. (Conseil médical du Québec. (2001) Les maladies mentales : un éclairage contemporain).


Tabous

Les tabous et les préjugés reliés aux maladies mentales ont des impacts sur le plan de l'économie canadienne. Dans leur analyse du fardeau économique causé par les maladies mentales, Thomas Stephens et Natacha Joubert concluent leur rapport en stipulant que « [même] si on améliore les données [pour déterminer les coûts directs et indirects des maladies mentales], le fardeau économique que représentent les problèmes de santé mentale continuera probablement d'être sous-estimé tant que ces derniers ne seront pas signalés aussi ouvertement que les problèmes de santé physique. » (Stephen, T, et Joubert, N. (2001) « Le fardeau économique des problèmes de santé mentale au Canada. » in Les maladies chroniques au Canada, Direction générale de la santé de la population et de la santé publique (DGSPSP), p. 11. )1

1. Rappelons que Stephens et Joubert (Stephens, T, et Joubert, N. (2001), p. 1.) soutiennent que:

  • Les troubles mentaux se classent au septième rang sur la liste des 20 catégories nosologiques dont les coûts ont été estimés dans des publications [scientifiques].
  • Les coûts directs associés au traitement de troubles mentaux diagnostiqués par un médecin atteignaient 6,3 milliards $ (1998), soit 3,9 milliards $ pour les soins hospitaliers, 887 millions $ pour d'autres soins en établissement, 854 millions $ pour les soins médicaux et 642 millions $ pour les médicaments de prescription.
  • Les coûts indirects additionnels qui s'établissaient à 3 milliards comprenaient les journées de maladie à court terme (866 millions $), l'invalidité de courte durée (1 700 millions $) et les décès prématurés (400 millions), bien que ces derniers montants ne se limitent pas aux troubles diagnostiqués.